Le 2QM20

Le moteur de 1976

Lors de l'achat le Yanmar présentait quelques traces de rouille en général mais il n'y avait plus du tout de peinture sous le bloc moteur. Je negociais avec le vendeur un sablage général et une peinture. Dans l'inventaire du bord, je trouvais une expertise du bateau qui avait effectuée quelques années plus tôt, y compris une analyse de l'huile (à 2800h) et c'était assez rassurant.

Le calorstat semblait en piteux état, j'en profitais pour déculasser et faire rectifier la culasse car apparemment, le moteur avait dû chauffer à une certaine époque. Beaucoup de tartre que j'enlevais au mieux avec les moyens du bord et sans remettre de calorstat, bien que j'en avais un tout neuf dans ma boîte à outils.
J'ai donc utilisé ce moteur pendant 13 années sans aucun problème. Démarrage au 1/8 de tour, hiver comme été (il n'y a pas de préchauffage), pas de fumée à l'échappement. Observation rigoureuse des intervalles de vidanges avec changement systématique du filtre à huile.

Ouste...dehors!

Comme je prévois un long périple en dehors des zones 100% civilisées, le changement du moteur apparaissait comme une étape nécessaire ou pour le moins fortement souhaitable. Extraction du Yanmar et mise en vente sur Ebay.

Trois semaines plus tard, un acheteur venait en prendre livraison en Bretagne.

Recherche sur le net, visite au salon, devis avec remise "spéciale salon" mais hors période salon (il suffit de demander ou de dire que le concurent l'accorde lui, la remise).
Je regarde Yanmar en vitesse car les prix...! Midif, Solé (qui a une politique commerciale délirante), Béta et Vétus. Et je trouve une annonce, encore en GB, proposant un Lombardini 1003M (30CV) à un prix pratiquement 50% inférieur à celui du distributeur français, malgré sa remise salon.
Vérification auprès du vendeur que la fourniture est bien identique, avant d'aller visiter la perfide Albion.

Au passage je rapportais une hélice tripale, un nouvel arbre d'hélice car plus long, un accouplement souple, des pieds de suspension moins hauts que ceux livrés en raison de manque de profondeur de la cale et une nouvelle ligne d'échappement, le Lombardini étant en 45mm.

Cale moteur

Pour l'hélice ça me démangeait de me lancer dans les calculs aussi j'achetais le Propeller Handbook de Dave Gerr consolidé par le HS de Loisir Nautiques sur l'Achitecture Navale. Quelques jours plus tard, j'arrivais à la conclusion que mon hélice calculée idéale ne pouvait se monter dans la cage du Melody par manque de place. Après tâtonnements pour que ça rentre en gardant les cotes requises tout en évitant une perte de rendement par trop importante, j'en arrivais à une hélice plutôt carrée (ratio pitch/diamètre) et un DAR de 50%.

Je commandais l'hélice (tripales) en donnant au constructeur les informations nécessaires pour son calcul et satisfaction toute personnelle puisque ses dimensions correspondaient aux miennes... Bien qu'à la livraison il me dit avoir rajouté 1/2" sur le pitch. Petite parenthèse, cette hélice m'a coûté 265€ en GB, le devis de France-Helice, pour la même fourniture était de 550€!

Entre-temps je refaisais toute l'isolation du compartiment moteur et ça n'était pas un luxe, l'ancienne étant proche de la liquéfaction.

Utilisation de laine de roche recouverte d'isolant de toiture multicouche estampillé "ininflammable" et collé/agraffé (avec des agraffes inox) . C'est beau, ça brille mais ça reste fragile...au prix de la fourniture, le risque est acceptable.

Lombardini 1003M

Installation

Je construisais un gabarit du lombardini pour voir comment tombaient les pattes de fixation et définir la hauteur des silentblocs.

Comme prévu sur les plans relevés, il faut diminuer la hauteur du berceau d'environ 55mm et reculer la position du moteur afin qu'il reste suffisamment de bois pour visser les tirefonds inox de 10mm. D'abord diminuer le berceau sur la longueur occupée par les silentblocs. Le berceau est en hêtre avec environ 8mm de strat par dessus.

Travail à la circulaire, fumée émorme dans le bateau, en 2 minutes la lame est morte. Bien que très sectaire, mon ami Maître Charpentier, accepte de m'aider parcequ'il y a un peu de bois à travailler. C'est heureux pour moi car il y a très peu de place pour se retourner et le boulot se termine à la disqueuse. A main levée, le Maître arrive à faire une surface aussi plane qu'avec un rabot malgré le redan. Comme quoi quand on ne sait pas faire on demande à l'artiste.

Passage d'une strat de protection et nettoyage de la cale moteur. Changement de tous les tuyaux, montage d'un préfiltre Delphi en remplacement de l'ancien trop corrodé, installation d'une commande Morse et des câbles idoines. Installation du panneau de commande moteur, avec une petite boîte en plastique transparent pour la protection des "projections d'eau". C'est pas écrit dans la notice mais c'est conseillé par le vendeur.

Une fois les silentblocs en place, descente du moteur et alignement à l'ancienne avec le jeu de cales (2-3 heures). Le moteur avait été essayé en GB avant livraison et vidangé en partie de son huile et de l'antigel donc, vérification des niveaux et compléments. Pour le G.O on verra plus tard. On passe à la phase branchement et là c'est du super simplifié : le faisceau est clipsé sur la prise fixée sur le moteur, le + batterie au démarreur, le - batterie sur le bloc moteur (5 minutes).

Essai de clé de démarrage pour voir si c'est bien branché et là, le moteur démarre d'un seul coup. Ce qui fait bizarre puisque le G.O n'était pas branché; en fait il a démarré sur ce qui restait dans le filtre secondaire.
Arrêt immédiat pour préserver la turbine de pompe à eau. Branchement des derniers tuyaux, je montais l'anti-siphon en sortie d'échangeur, montage de la ligne d'échappement et là, grosse surprise, la sortie du coude d'échappement est pratiquement au niveau de la buse d'entrée du waterlock, ce qui, avec un tout petit peu de gite, pourrait permettre un retour d'eau dans le moteur.

Le Waterlock & le coude d'échappement

Le waterlock est un Vétus en 45mm (le modèle moins cher de chez AD ne rentre pas faute de place). Sa capacité est fonction du diamètre des entrée/sortie des tuyaux. Après calcul c'est limite, (volume de la partie montante vers la mer + volume de la partie jusqu'au point d'injection + volume de la partie descendante de l'anti-siphon). Pour vérifier, on fait tourner le moteur, on arrête, on démonte et on regarde le volume occupé dans le waterlock; ici 7/8. Il faut donc créer une vraie différence de niveau entre la sortie du coude d'échappement et l'entrée du waterlock. Pour cela deux solutions : soit monter le waterlock sous la coque (pas pratique!), soit surélever la sortie du coude d'échappement.

Je fais donc fabriquer un coude spécial, à partir du coude existant (voir photo) ce qui me permet de gagner 25 cm. Il y a une plus grande longueur de tube inox non refroidie mais à l'usage et avec la protection, ça ne pose pas de problèmes. On passe ensuite aux vrais essais moteur, le bateau étant au sec, je pompe l'eau dans un seau. Ca tourne bien, ça fait moins de bruit que le précédent mais il y a un régime (1200 t/mn) où le moteur semble vouloir retourner chez son géniteur!
Vérification de l'alignement de la ligne d'arbre avant mise à l'eau et enfin, mise à l'eau et premiers tours d'hélice. Bonne surprise, il n'y pas de fuites.

Conclusion...

Retour d'expèrience

Je sais que certains préconisent un nouvel alignement ligne d'arbre, après mise à l'eau, mais le Melody est un bateau très rigide, c'est à dire que la coque ne s'affaisse pas sur son lest lorsqu'on le pose à terre, contrairement à pas mal d'unités modernes. Il est intéressant de prendre langue avec les gens du port qui font les sorties d'eau. Ils ont souvent des choses passionnantes à raconter.

Après deux annnées le moteur a 60 heures au compteur. Au niveau manoeuvrabilité, c'est le jour et la nuit, surtout en marche arrière (3 pales contre 2 et hélice neuve contre vieille). On pouvait craindre une augmentation importante de la traînée avec la tripale, surtout avec un DAR de 50%. C'est peut-être vrai par petit temps mais dès que la brise est raisonnable, je n'ai pas relevé de différence notable et sous voiles, le remous à l'arrière est nettement moins perturbé qu'avant (hélice maintenue bloquée).

La Panne

En 2012, en fin de saison, j'arrivais au mouillage à Bréhat. L'ancre à peine crochée, le moteur au ralentit, se mit à faire un drôle de bruit. Sueurs froides! Je coupe, regarde dans la cale moteur : plein d'eau! Ne voyant rien d'évident, je décide de remettre en route. Cognements importants...c'étaient les deux points de soudure de la bride du coude d'échappement : cassés. Donc l'eau du moteur remplissait le bateau. On était dans une période de pétole perdurante donc le risque faible et si jamais le temps se gâtait, j'aurais du vent pour manoeuvrer.

Le lendemain matin, je hélais un voisin en train de remonter son mouillage et lui demandais s'il pouvait me remorquer jusqu'à sa destination qui était St Quay. Ce qu'il fit très aimablement et de St Quay je pus faire ressouder CONVENABLEMENT cette fois, la bride sur le coude. Je remerciais chaleureusement mon "sauveur" dont j'ai bêtement égaré le nom. Il était de Dahouët et si par hasard il lit cette prose minable, je le remercie encore une fois pour son aide bénévole.

La cause et la solution...

Le problème ci-dessus est dû au fait que le coude d'échappement est beaucoup plus lourd que l'original et que les silentblocs que j'avais choisis, étaient trop souples.
De fait, il y avait très peu de vibrations transmises hors la zone de résonnance (1100-1200 t/mn) mais le débattement moteur était très impressionnant et m'obligeait à occulter ces régimes.

J'ai donc planché à nouveau sur le calcul des silentblocs avec toujours la même contrainte de hauteur (max 55mm du bâti jusqu'au dessus de l'écrou de réglage inférieur) ce qui limite fortement le choix. Des esprits ronchons me demanderont certainement pourquoi je n'avais pas utilisé les silentblocs fournis par Lombardini et qui devaient eux, être adaptés au moteur ?
La réponse est très simple, ils font 70mm de haut mini et je ne pouvais plus rogner sur le berceau.

Cette année (2014) j'ai fini par trouver chez R&D Marine (UK) le truc qui va bien avec une capacité de 86 Kg (pour 90kg calculés bon poids). Evidemment les tiges des silentblocs sont en 5/8 (16mm) ce qui oblige à ressortir le moteur pour repercer les pattes de fixation; car si deux des pattes se démontent, les deux autres sont partie intégrante du moteur; et pour être à l'aise ... perçons au grand air!

En fait, à l'usage (2015), ces silentblocs sont un peu trop rigides et la formule proposée par "Vetus" dans Rubrique Technique - Formules Utiles est peut-être plus proche de la valeur idéale ?. A noter que dans leur dernier catalogue, la constante 487 de leur formule est ramenée à 358 sans explication aucune!
Donc, à vous de choisir.

Les apprentis mécano comme moi, pourront se documenter à la page Technique/Formules utiles pour ce genre de souci.

Encore une histoire!

Il y a une dizaine d'années, je me rendais de Port Joinville à Pornic. Le 2QM20, qui avait été très sollicité durant deux jours pleins, pendant une traversée du golfe peu ventée, se mit à faire un bruit de machine à coudre. Arrivé à Pornic, je mandais un mécanicien faisant Yanmar afin qu'il vienne écouter ce bruit qui se manifestait, avec peu de différence, aussi bien moteur embrayé que débrayé.

Après plusieurs minutes d'écoute attentive il me dit que ça pouvait être l'embiellage ou autre chose et qu'il avait un Yanmar 15CV neuf à vendre, ce qui serait moins cher qu'une réparation nécessitant démontage/remontage.
Je n'étais pas prêt financièrement à changer le moteur, de plus un 15CV n'était pas du tout adapté au Melody. Je lui dis que j'allais réfléchir à la question et le lendemain, je faisais sortir le bateau sur sangles, le temps du midi. Ceci me permit de passer un coup de Kärcher sur la quille qui en avait bien besoin et de changer l'anode d'arbre, bien bouffée, et qui avec les vibrations, tournait librement sur l'arbre en provoquant un bruit de machine à coudre.

Fin de la panne!

Remotorisation