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La réalité n' est souvent pas celle qu'on espérait.
A l'époque (1965), j'étais sursitaire et travaillais comme technicien électronicien sur des missiles dans une boîte oeuvrant pour la défense nationale. Fort de cette position favorable supposée, je demandais à effectuer mon service ...dans la marine bien sûr.
C'est ainsi que je me suis retrouvé un beau (mais très frais) matin d'hiver en Allemagne, dans un bataillon semi-disciplinaire des commandos de l'artillerie (sic).
Voilà pour le piston!.
Pour la bonne compréhension de ce qui suit, il faut savoir que les nouveaux incorporés n'ont pas droit aux permissions pendant les deux premiers mois. C'était mi-novembre!, le lendemain on nous annonce que la croix-rouge allemande demande des donneurs de sang et que les volontaires auront une perm exceptionnelle pour Noël! Ruée sur la liste d'inscription, enthousiasme général. J'écris à mes parents pour annoncer mon retour proche, on donne notre bon raisiné et là merdouille! "Les gars vous êtes trop nombreux, il n'y a que 'xxx' places donc partiront ceux dont les noms vont de A à Gaspron et les Gasquet jusqu'à Z auront Noël réservé l'année prochaine. Consternation dans le camp des perdants dont je suis.
Alors germe dans ma tête une idée que je pense géniale et m'en vais trouver l'adjudant (qui deviendra ma bête noire) et c'est avec plein d'assurance que je lui dis "Mon adjudant, il y a une erreur d'écriture dans mon nom, je ne m'appelle pas Valitchek mais Balitchek" je vois passer une lueur à la fois d'intêret et de contrariété dans le blanc-jaune de son oeil; il me semble même voir palpiter les veinules violines (aussi dénommées varices de beaujolais)') qui zébrent son noble faciès. "Vous-êtes sûr ?" abrupte t'il. "Sûr et certain mon adjudant". Bon! Me voila réintégré dans la liste des partants, sauf que...comme le nombre de places est fixe, si j'entre dans la liste, un autre en sort. Et le fameux Gaspron de venir me faire un vélo. Mon intention n'ayant pas été de priver un gars de sa perm pour squizer sa place, je retournai voir mon adjudant pour rectifier mes propos.
Là, j'ai trouvé son noble faciès moins avenant, il a sursauté comme si quelquechose l'avait piqué avant de me traiter d'irresponsable, d'abruti et d'autres vérités que je connaissais déjà.
Il va sans dire que je ne suis jamais parti, ni à Pâques, ni à la trinité ni...pendant huit mois, mais ça c'est une autre affaire!
Ben autant s'en débarrasser tout de suite. Après bien des déboires narrés plus bas, j'avais oeuvré un temps au mess des officiers situé en ville en tant que semi-gestionnaire des vivres, préparateur de hors d'oeuvres, vendeur de tickets repas et approvisionneur des bars (officiers et sous-officiers). Ce mess était placé sous la responsabilité d'un capitaine redevenu civil (très sympa) et sous la botte d'un commandant de cuirassiers (les chars), le Commandant Jandet une vraie tête de con. Je l'écris en gras au cas bien improbable où il lirait cette prose vu qu'il devrait friser les 95 ans. Si il est mort, tant mieux, sinon vaut mieux qu'il ne me croise pas car je lui avais promis ma main dans la gueule dans le civil et n'importe comment serait son état, je tiendrai ma promesse.
Cet infâme aurait souhaité qu'un gars de son unité soit désigné mais mon chef de corps, qui ne l'aimait pas s'était imposé et c'est bibi qui en subissait les conséquences. Je passe sur les brimades, remarques désobligeantes et tout ce qu'un officier malfaisant peut inventer; il faisait chier tout le monde et je peux garantir que toute la nourriture qui lui était destinée était particulièrement "graissée".
Pendant cet intermède au mess, mon grand-père meurt. Je fais une demande de permission pour effectuer un aller-retour en France, l'autre taré fait traîner et refuse au motif que compte tenu des délais, le grand-père est maintenant enterré et qu'il n'est plus nécessaire que j'y aille. Deux mois plus tard, c'est au tour de ma grand-mère de décéder. Je reçois le courrier avec trois jours de retard, demande de perm et nouveau refus pour le même motif.
Là, je rédige un rapport adressé à mon chef de corps, et je vais le porter directement à son aide de camps. Ce qui est contraire aux usages et passible de sanctions mais je craignais que l'autre zinzin ne le balance à la poubelle.
Convocation chez le chef de corps, remontage de bretelles pour être passé outre la voie hiérarchique et remise immédiate d'une permission de 15 jours pour un départ le lendemain matin.
Au retour, j'avais perdu ma place au mess, mais l'armée dans sa grande générosité m'avait réservé plein d'activités plus attrayantes les unes que les autres.
Tout ça c'était bien après ce que l'on appelait les trois jours (qui n'en duraient en réalité qu'un et demi) où l'on se retrouvait tous à poil, à la queue leu leu devant l'antre des toubibs qui réalisaient une visite médicale complète en deux minute chrono. Puis venaient les tests de Q.I. qui s'appelaient différemment en cette période. Je souhaitais faire EOR et je pensais qu'avec une moyenne de 19/20 à la fin des tests ça ne poserait pas de problème... Grave erreur, comme j'étais avec une classe de sursitaires il y avait pléthore de candidats sur-diplômés qui obtenaient une place d'office, mais pas moi.
Un mot sur les conditions de rémunération du bidasse de base : en France, si ma mémoire ne me fait pas défaut, c'était 9,82 Frs/mois (presque 1,50€). En Allemagne (troupes d'occupation) c'était la même chose plus 5,00 DM (6,00Frs = 0,92€). Avec ces Deutsch Marks on pouvait se payer une pizza et une bière (par mois) au resto du coin; c'est dire si c'était Bizance! Par comparaison les GI's, dix fois plus nombreux, percevaient l'équivalent de 800,00Frs/mois (122,00€) ce qui était alors peu ou prou mon salaire de l'époque dans le privé.
Presque tout l'encadrement était constitué d'anciens paras putchistes de la regrettée Algérie, mais coup de pot, le commandant connaissait très bien les types de missiles sur lesquels j'avais travaillé et je ne manquais pas, fier comme un p'tit banc, de faire étalage de mes connaissances.
Bien m'en prit puisque un mois plus tard, j'étais envoyé à Zweibrucken, en stage de formation "Transmissions" pour devenir en deux mois...magasinier! ...et en deux mois supplémentaires quelque chose comme dépanneur radio (le gars qui change les pile dans les tawlkies).
Comme j'avais une assez haute opinion de moi-même, je considérais cette affectation comme une insulte à mon ego et je fis tout pour saboter cette formation jusqu'au jour où j'utilisais l'émetteur-récepteur du camp pour perturber les émissions de la radio locale allemande. Eux n'appéciérent pas mon humour frenchy, la hiérarchie militaire non plus et je fus renvoyé manu-militari (c'est le cas de le dire) dans mon régiment à Kaiserslautern.
Là, mon ami commandant, qui ne l'était plus, se fâcha tout rouge et je fis un bref séjour dans les geôles de la caserne. Je dis bref car les taulards (sans lacets ni ceinture c'est pas pratique) étaient employés à des travaux de désherbage dans la journée, ce qui permettait de ramasser quelques insectes à rapporter discrétement dans nos pénates, puis d'attendre la visite de l'adjudant le lendemain matin et de lui montrer toutes ces bêtes trouvées dans nos literies. Sitôt dit, sitôt fermée la prison pour désinfection et on retournait dans nos quartiers pour huit jours; ce qui fait qu'en quinze jours, je ne passais que deux nuits sur un grabat.
Quelques temps après, un des deux armuriers étant tombé malade, je fus affecté à son remplaçement. Quelques jours plus tard, le second était récupéré en ville par la prévôté, ivre et en possession d'un bidule volé chez un Allemand.
Pour lui, direction la forteresse de Landau, pour moi,l'entretien d'une centaine de fusils, une cinquantaine de PM, quelques FM, une vingtaine de pistolets PA 7.65 quelques révolvers d'ordonnance 8mm de 1892 et deux mitrailleuses Hotchkiss 12.7. Sachant que l'armurerie avait été installée dans des anciennes douches, c'est dire s'il y avait de l'humidité dans l'air. Humidité que les armes n'apprécient pas et qui demande un travail plus qu'assidu pour maintenir tout ce petit monde en bon état. Un mois plus tard, j'étais toujours seul avec cet arsenal et je me lassais rapidement de cette corvée quotidienne genre tonneau des danaïdes.
Petite précision sur la prévôté qui, comme tout le monde ne sait pas, est une émanation de la gendarmerie habilitée à traiter tout acte relevant de la police judiciaire en territoire étranger. Donc, les petits gars qui sortaient le soir en civil, alors que c'était formellement interdit se faisaient ramasser facilement par cette prévôté qui montait avec zèle des pièges à proximité de la caserne. Pour moi ceux-là étaient de vrais salopards.
Arriva ce qui devait arriver, c'est à dire la grande inspection dilligentée par l'inspection générale de l'armement qui avait délégué un général, un colonel et un adjudant-chef plus deux trouffions porte-papiers. Pendant que le général, le colonel et le mien de colonel allaient casser la crôute au mess en ville, l'adjudant-chef (scrogneugneu) jetait un oeil sur toutes les armes et surtout dans les canons. Je le suivais pas à pas comme un toutou et, invariablement, je l'entendais marmonner : "gratter-piquer, gratter-piquer, canon rouillé, canon piqué", commentaire qu'un des trouffions porte-papiers notait avec un plaisir non dissimulé en face du numéro de série de l'arme concernée. Le sommet de la journée fût atteint lors de la vérification d'un PM où le contrôleur , de moins en moins zen, ne vit que du noir à travers le canon. Après un rapide examen il s'avéra qu'une araignée facétieuse avait élu domicile dans cette arme.
Du jamais vu disait scrogneugneu; ce qui en un sens était flatteur mais également inquiétant et la suite prouva que je n'avais pas tort. Je crus avoir un bref instant de gloire lorsque l'adjudant-chef passa les deux mitrailleuses en revue et que je lui montrais les canons bien réglés, chose qu'à mon grand étonnement, lui ne savait pas faire m'avoua t'il par erreur (un mauvais réglage peut enrayer l'arme ou faire exploser la culasse au grand dam du tireur).
A la fin de la journée et à la vue de ce rapport accablant concernant son armurerie, mon colonel, qui entre-temps était rentré de bien déjeuner m'expédia directement à la case prison (sans toucher les 20.000 Francs).
Après ces formations édifiantes, je fis "Poubelles" pendant quelques mois, ce qui n'est pas forcément valorisant mais non dénué d'intérêt(s). Pour ce faire, il y avait un chauffeur, un caporal, un camion (transport de troupes en utilisation normale) et deux couillons qui chargeaient les ordures avec pelle et fourche, au fil de la collecte. Comme un fait exprès, les déchets des cuisines étaient chargés en dernier ce qui m'a fait voyager (la décharge était à une demie-heure de route) parfois le cul dans des restes d'épinard ou de raviolis ou de goulash. Cela dépendait du jour de la semaine. La récompense, une fois le camion déchargé, était de fouiner dans cette immense décharge à la recherche de trésors oubliés. Et il y en avait des trésors : chemises, pantalons, vestes (tout civil), rangers etc. Le tout neuf et en emballage d'origine. Contrairement aux GI's pour qui n'importe quelle occasion est bonne pour faire du fric, nous rapportions notre moisson US au bénéfice exclusif des copains.
Mais tout a une fin et ce séjour idyllique devait s'arrêter brutalement et toute la classe de rentrer enfin chez soi. Euh...non pas toute! Car avait été instaurée une règle disant que le libérable ne le serait qu'après avoir accompli un "rab" correspondant en gros à la moitié des jours de prison effectués durant le service et ce, à l'appréciation du chef de corps. C'est ainsi que je vis partir mes derniers copains et rentrais seul chez moi quelques jours plus tard malgré l'acharnement d'un adjudant (encore un) à vouloir me conserver dans son giron. Il faut savoir que les gars qui font du rab sont harcelés d'ordres, contre-ordres et corvées pour les pousser à la faute et par la même prolonger leur séjour aux frais du contribuable.
La conversion de mon permis poids lourd militaire, validé par 6000kms sur route et piste, en permis civil ne m'a pas été accordée pour d'obscures raisons et je n'obtenais même pas la distinction de soldat de 1ère classe...la honte quoi!
Je trouve fort regrettable que Chirac ait supprimé ce service national. On y apprenait des tas de choses; d'abord sur le genre humain et pour moi, sur les armes, les explosifs, le close-combat, le sabotage, la survie enfin toutes ces disciplines indispensables à nos amis apprentis djihadistes qui seraient à même de se former chez nous et de s'éviter un voyage toujours périlleux en Syrie.
Dans mon contingent il y avait environ 30% d'homos et ça n'a causé aucun problème avec la hiérarchie; il faut préciser qu'il y en avait pas mal dans l'encadrement, ceci explique peut-être cela.
Il y avait encore à cette époque environ 10% d'illettrés tous corps d'armes confondus. Un certain nombre a appris à lire et à écrire durant le séjour et parmi les autres qui avaient des bases assez solides, ils ont été plusieurs à passer leur certificat d'études. Alors en dehors du brassage culturel et ethnique, si une majorité pense avoir perdu son temps à des exercices et/ou corvées débiles, le système aura rendu un fier service à beaucoup d'autres.
Mon retour à la vie civile ne devait pas se dérouler sans accroc, mais ça c'est une autre histoire...
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